Le contrôle de vitesse par véhicule-suiveur en tant que moyen de preuve

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TF, 17.05.2024, 6B_1065/2023*

En cas de contrôle de vitesse réalisé au moyen d’un véhicule-suiveur par simple comparaison avec son propre compteur, l’autorité dispose dun libre pouvoir d’appréciation des preuves afin de déterminer si la distance de mesure est suffisante. Un dépassement de vitesse de plus de 50 % doit être qualifié de « massif » au sens de lart. 7 al. 3 OOCCR-OFROU.

Faits

Un conducteur circule au volant de son véhicule. Une patrouille de police en voiture banalisée le suit et mesure sa vitesse par comparaison avec son propre compteur. Le véhicule suivi atteint une vitesse de 135 km/h, puis une vitesse de 145 km/h (vitesses constatées sur le compteur du véhicule de police) alors que la vitesse autorisée était de 80 km/h sur le tronçon concerné. Les agents de police mesurent cette vitesse constante sur une distance d’environ 200 mètres. Après déduction de la marge de sécurité, l’autorité retient une vitesse finale de 122 km/h, soit un dépassement de vitesse de 42 km/h sur un tronçon de 200 mètres.

Par jugement rendu sur opposition à l’ordonnance pénale, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland reconnait le conducteur coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR). Saisie d’appel par le conducteur, la Cour suprême du canton de Berne confirme le jugement de première instance.

Le conducteur recourt en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à son acquittement du chef daccusation dinfraction grave des règles de la circulation routière.

Droit

Dans un premier moyen, le conducteur conteste que la distance denviron 200 mètres sur laquelle la vitesse de 145 km/h a été constatée soit suffisante pour que cette vitesse puisse être retenue contre lui. Il se réfère à cet égard aux seuils prévus à l’annexe 1 de l’OOCCR-OFROU et soutient qu’un tronçon minimal de contrôle de 500 mètres tel que défini à cette annexe se justifie d’autant plus que le véhicule-suiveur n’avait pas de tachygraphe avec calculatrice et que le policier a uniquement procédé à une appréciation de la vitesse basée sur son propre compteur. Il soutient par conséquent qu’une violation des règles de la circulation routière ne peut pas lui être reprochée.

Après une analyse détaillée de la législation en matière de contrôle de vitesse, le Tribunal fédéral retient que les marges de sécurité prévues à l’annexe 1 de l’OOCCR-OFROU s’appliquent en cas de contrôles par véhicule-suiveur autres que ceux définis à l’art. 8 al. 1 let. g OOCCR-OFROU, qui régit les contrôles par véhicule-suiveur avec un cinémomètre vidéo autorisé à cet effet (art. 8 al. 1 let. h OOCCR-OFROU). Il ressort de l’annexe 1 elle-même que les valeurs qui y sont indiquées s’appliquent aux méthodes de mesure consistant en un véhicule-suiveur équipé d’un tachygraphe avec calculatrice, avec ou sans vidéo. Ce type de contrôles relève de l’art. 8 al. 1 let. i OOCCR-OFROU, qui prévoit la déduction d’une marge de sécurité de 15 % pour une valeur mesurée à partir de 101 km/h comme en l’espèce.

Il en résulte que s’agissant d’une mesure de vitesse réalisée au moyen d’un véhicule-suiveur sans système calibré, il appartient à l’autorité d’apprécier librement (art. 10 al. 2 CPP) si la vitesse constatée et rapportée par les agents de police peut être retenue au regard des éléments de preuve au dossier. C’est dans le cadre de lappréciation de la mesure de vitesse comme moyen de preuve que le critère de la distance de la mesure sera pris en considération.

En lespèce, le Tribunal fédéral relève que la cour cantonale a apporté une attention particulière au critère de la longueur du tronçon sur lequel le véhicule-suiveur dépourvu de système de mesure calibré a constaté le dépassement de vitesse. En définitive, la cour cantonale a retenu que les distances sur lesquelles les agents de police ont effectué les mesures de vitesse étaient suffisantes. Cette appréciation se fonde sur un examen soigné des potentielles sources d’erreur dans les mesures réalisées par ce type de contrôle. De plus, la cour cantonale a indiqué avoir confirmé son appréciation en s’appuyant sur son analyse des moyens de preuve examinés, soit notamment sur l’examen des déclarations crédibles des agents de police. Le Tribunal fédéral en conclut que la cour cantonale pouvait, sans verser dans l’arbitraire, retenir qu’une vitesse de 145 km/h (avant correction à la vitesse effective et déduction de la marge de sécurité) sur une distance denviron 200 mètres pouvait être reprochée au conducteur.

Dans un second moyen, le conducteur conteste que l’excès de vitesse constaté puisse être qualifié de « massif » au sens de l’art. 7 al. 3 OOCCR-OFROU. En particulier, il soutient que la mesure n’est tout simplement pas exploitable faute de dépassement massif, de sorte qu’il doit être libéré de la prévention d’infraction grave à la LCR.

Selon le Tribunal fédéral, on ne saurait inférer des normes Via sicura une définition d’une notion de « dépassement de vitesse très important » à laquelle recourir pour l’interprétation de l’art. 7 al. 3 OOCCR-OFROU. En effet, cette dernière disposition est antérieure à l’adoption et l’entrée en vigueur des normes Via sicura. Au surplus, l’art. 90 al. 3 et 4 LCR visent à fonder une infraction pénale, alors que l’art. 7 al. 3 OOCCR-OFROU s’inscrit ainsi dans un contexte différent, de sorte qu’une assimilation des notions de dépassement de vitesse visées ne se justifie pas.

En lespèce, le Tribunal fédéral retient qu’un dépassement de vitesse de plus de 50 % par rapport à la vitesse autorisée (dépassement de vitesse de 42 km/h de la vitesse autorisée de 80 km/h) doit être qualifié de « massif ».

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, Le contrôle de vitesse par véhicule-suiveur en tant que moyen de preuve, in : www.lawinside.ch/1445/