La décision d’ordonner un examen d’aptitude à la conduite comme mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF

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TF, 04.06.2024, 1C_434/2023*

Les décisions ordonnant un examen d’aptitude à la conduite sur la base de l’art. 15d al. 1 LCR doivent être considérées comme portant sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF.

Faits

Par la voie d’une ordonnance pénale, le Ministère public bernois déclare un conducteur coupable notamment d’infractions simples aux règles de la circulation routière, commises à plusieurs reprises par manque d’attention, et lui inflige une amende de CHF 400.

Par une décision ultérieure, l’Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne ordonne au conducteur de se soumettre à un examen médical d’aptitude à la conduite auprès d’un médecin désigné. L’Office écarte l’opposition du conducteur contre cette décision et lui accorde un délai de 45 jours pour se soumettre à l’examen médical.

À la suite du rejet du recours du conducteur par la Commission de recours compétente, l’intéressé exerce un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si une décision portant sur un examen d’aptitude à la conduite ordonné sur la base de l’art. 15d al. 1 LCR doit être considérée comme portant sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF.

Droit

La décision en cause est une décision incidente. Elle peut toutefois faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral, puisqu’elle est susceptible d’entraîner un préjudice irréparable pour le recourant (art. 93 al. 1 lit. a LTF).

Selon l’art. 98 LTF, dans le cas des recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels.

L’examen d’aptitude à la conduite ordonné par l’Office repose sur l’art. 15d al. 1 LCR, lequel prévoit que si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête. La norme donne une liste non exhaustive de cas d’application.

S’il s’avère que les conditions légales d’octroi du permis de conduire ne sont pas ou plus remplies (art. 16 al. 1 LCR), l’autorité pourra ordonner un retrait de sécurité. Il s’agit ainsi d’éviter à l’avenir la mise en danger de la sécurité routière que l’on peut craindre de la part d’un conducteur ou d’une conductrice inapte. Par ailleurs, en cas de doutes sérieux quant à l’aptitude à la conduite, l’autorité peut également retirer le permis de conduire à titre préventif, en plus d’ordonner l’examen médical correspondant (art. 30 al. 1 OAC).

Selon la jurisprudence fédérale, le retrait de permis de conduire à titre préventif est une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF. Se pose donc la question de savoir si la décision ordonnant un examen d’aptitude à la conduite, basée sur l’art. 15d al. 1 LCR, doit également être considérée comme une mesure provisionnelle.

Si les mesures ordonnées sur la base de l’art. 15d al. 1 LCR ne devaient pas être soumises à l’art. 98 LTF, il en résulterait que davantage de motifs de recours seraient admis contre ces décisions que contre celles portant sur un retrait du permis à titre préventif. La protection juridique serait donc plus étendue dans le premier cas, alors même que le second comprend une atteinte plus grave aux droits fondamentaux.

Pour le Tribunal fédéral, il se justifie donc d’aligner le régime applicable aux décisions portant sur l’examen d’aptitude à la conduite avec celui qui vaut pour le retrait du permis de conduire à titre préventif.

Il résulte de ce qui précède que les décisions ordonnant un examen d’aptitude à la conduite sur la base de l’art. 15d al. 1 LCR doivent être considérées comme portant sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral est donc limité à la violation des droits constitutionnels.

En l’occurrence, les faits ont été établis sans arbitraire (art. 105 al. 1 LTF cum art. 97 al. 1 LTF). Après une collision avec un véhicule correctement garé, le conducteur a poursuivi sa route avec son véhicule endommagé pour se rendre à son rendez-vous de dentiste, sans respecter plusieurs panneaux de signalisation. Il existait donc des indices sérieux permettant de soupçonner qu’il ne disposait plus des capacités cognitives nécessaires pour conduire un véhicule à moteur en toute sécurité. C’est sans violer le principe de proportionnalité que les autorités inférieures ont considéré qu’un examen d’aptitude à la conduite était nécessaire.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Camille de Salis, La décision d’ordonner un examen d’aptitude à la conduite comme mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF, in : www.lawinside.ch/1470/